Le rapport cendres sur extrait sec réduit : Un indicateur de qualité intrinsèque du vin de David Lefebvre (journaliste et oenologue alsacien)
"Alors que d’autres filières alimentaires surveillent de près le
rapport des cendres sur les matières sèches pour identifier des
enrichissements, la filière vin peine à aborder le sujet.
En
œnologie, le dosage des cendres correspond à la calcination du vin à
600°C, il en reste les cendres que l’on pèse. Ces quelques grammes par
litre donnent un indice, et seulement un indice, de la richesse en
éléments minéraux du vin. Parallèlement dans le vin, pour avoir une idée
globale de la matière qui le compose, on peut doser l’extrait sec et
l’extrait sec réduit. Dans le cas de ce dosage, le vin est simplement
évaporé, et l’on pèse ce qui reste, c’est-à-dire ses matières organiques
qui ne se sont pas évaporées. On peut en soustraire les sucres
résiduels, qui eux aussi ne s’évaporent pas. Et il reste alors, dans ce
qu’on appelle l’extrait sec réduit, les matières organiques telles que
les protéines, des polyphénols, des acides non volatils comme le
tartrique, tandis que l’éthanol et d’autres substances volatiles sont
évaporés. Classiquement, un vin blanc à 11 degrés d’alcool et donc à 11 %
d’alcool en volume contient une vingtaine de grammes d’extrait sec et
entre 2 et 3 g/l de cendres.
Cendres et matières sèches
Pour
d’autres produits alimentaires, les cendres constituent une analyse
fréquente. Mais le terme d’extrait sec est substitué par celui de
“matières sèches”. En agroalimentaire, cette analyse renseigne de la
même manière sur la richesse en matières organiques du produit. En
minoterie, par exemple, l’analyse du rapport cendre / matières sèches en
fonction du type de farine (55, 65) est relativement stable. Si la
farine est enrichie excessivement en composés organiques, par exemple du
gluten, alors le taux de matière sèche augmente sensiblement, tandis
que le taux de cendres est relativement stable malgré l’enrichissement,
car le plus souvent, les additifs sont issus de process de raffinage qui
leur ôtent les minéraux. Exemple pour le vin, un moût concentré
rectifié, qui présente une teneur supérieur à 800 g/l de sucres, a
parallèlement une teneur en cations minéraux n’excédant pas
réglementairement 8 milliéquivalents, soit quelques dizaines de mg/l du
fait de la rectification.
Evolution de l’extrait sec en fonction d’additifs
Que
devient le rapport cendres/extrait sec lors d’un process œnologique où
un vin à 9,5° et 3,5 g/l d’acidité tartrique a fait l’objet
d’additivations successives ? Si le vin a été enrichi en MCR à 1,5°,
soit 24 g/l de sucres, soit 2,7 litres de MCR par hl de vin, d’un MCR à
870 g/l de sucres, alors l’apport en minéraux est minime. Ensuite, le
vin peut être acidifié jusqu’à 4 g/l au maximum d’acide tartrique selon
le codex œnologique. Là encore, un acide tartrique ne peut excéder 2
g/kg de cendres, dont l’apport en cendres est aussi minime. Le vin peut
aussi être tanisé avec des doses de 10 à 20 g/hl en rouges et quelques
grammes en blancs. Au cours de son élevage, il peut aussi être enrichi
en hétérosides par élevage sur lies enzymées, de l’ordre de 0,2 à 0,3
g/l, des lies qu’il est possible de rajouter. Là, le code des pratiques
œnologiques ne limite pas la quantité d’apport. Peuvent s’ajouter enfin
des stabilisants dont les doses limites sont : 10 g/l pour l’acide
métatartrique, 0,3 g/l pour la gomme arabique, 0,25 g/l pour l’acide
ascorbique, 0,5 g/l pour le lyzozyme, 1 g/l pour l’acide citrique,
0,27g/l de sorbate.
A chaque fois les apports de minéraux sont
infinitésimaux pour des raisons de raffinage et réglementaires.
Conséquence finale, un vin additivé peut facilement voir son extrait sec
réduit gagner plusieurs grammes par litre. Parallèlement, les cendres
n’auront quasiment pas évolué.
Rapport cendres/extrait sec réduit modifié
Ainsi,
le rapport cendres/extrait sec peut considérablement évoluer au cours
du process œnologique. Car si le Codex œnologique se montre précis sur
les doses maximales d’apport, additif par additif, il ne limite pas en
revanche les cumuls d’apport. Un des cumuls cependant proscrit par la
réglementation des appellations est l’enrichissement mutuel en sucres et
en acide. Mais l’actualité récente a montré que cette règle était
contestée.
Modification de la minéralité
Que penser de l’impact
sur le goût des procédés d’additivation, quand parallèlement la teneur
en substances minérales reste stable ?
Des groupes de chercheurs en
œnologie tentent d’identifier des descripteurs sensoriels organiques de
la minéralité comme le “benzène méthane thiol”. Si la minéralité avait
comme précurseurs des composés organiques, alors l’œnologie additive
n’aurait que peu d’influence sur la minéralité. En revanche, si la
minéralité était associée à la teneur en éléments minéraux du vin, donc
en rapport avec les cendres, la modification du rapport cendres/extrait
sec réduit, du fait des process d’additivation et de dilution des
cendres par rapport à la quantité de matière organique, modifierait la
perception de minéralité. Pour l’heure, le plaidoyer pour un indice de
minéralité des vins n’intéresse pas la recherche œnologique et la
profession. Le rapport cendres sur extrait sec réduit pourrait peut-être
renseigner sur la qualité intrinsèque des vins.
Certains l’ont
peut-être compris en proposant déjà sur le marché de l’œnologie additive
des produits pour enrichir le vin en minéraux. Mais la nature ne se
laissant pas si facilement transgresser, l’ajout dans le vin de sels, si
complexes soit-ils, modifient de façon trop importante ses composantes
sensorielles (couleur, saveur, odeur).
Les minéraux du vin ne se
comportent pas librement à l’exception d’une partie du potassium qui
conditionne la conductivité du vin. Et donc, resaliniser le vin ne
permet pas de résoudre les déficits de minéralité quand un vin a été
trop additivé. Il faut en revenir à la viticulture, puis aux process de
minéralisation que sont les fermentations."
Légende : Four phoenix destiné à l’analyse des cendres. Coût d’une analyse : 16 euros chez Eurofins