Utopie, rêve ou réalité ?
Article publié le 18 juin 2009 www.RVF.com
Nos articles sont complémentaires, c'est pourquoi je me permets de le présenter.
Le soufre dans le vin :
À la vigne
L'usage du soufre est préventif : il est pulvérisé à sec (soufre fleur), en poudrage accompagné d'argile, ou en solution dans l'eau sur le feuillage pour lutter contre l'oïdium. Il est transformé par les microbes foliaires en acide sulfurique qui baisse le pH des feuilles et empêche l'apparition du champignon.....
Dans les chais
Depuis des siècles, les vignerons mèchent les fûts de chêne pour les nettoyer. Aujourd'hui, une pastille de soufre sera employée de préférence, avant de rincer les fûts à l'eau. Les cuves et divers ustensiles subissent aussi ce traitement.
Le soufre dans le vin
L'emploi du dioxyde de soufre, sous forme de pastille ou de solution liquide, est une pratique courante pour l'immense majorité des vins en cours de vinification et d'élevage, ainsi qu'avant la mise en bouteille.
Dans le vin, le soufre subsiste sous deux formes : le "soufre combiné" et le "soufre libre". 60 à 95 % du soufre ajouté se combine à d'autres éléments (phénols, sucres) et n'a pas d'efficacité réelle. Le soufre libre est un gaz qui ne s'associe pas chimiquement aux autres molécules. C'est donc lui qui est actif. La somme des deux constitue le "soufre total".
par Jean-Emmanuel Simond
Préambule :
Souvent le grand public confond vin bio avec vin sans soufre. L'appellation vin bio n'existe pas, la certification englobe seulement les vignes et non la vinification. Chaptalisation, soufre, levures, acidification ne sont pas interdits, mais tolérés. Actuellement, des associations tels nature et progrès, la marque Demeter proposent des Chartes de vinifications. L'AVN, association des vins naturels, présente des vignerons qui ne proposent pas d'intrant dans la vinification, ils ajoutent le soufre à faible dose avant la mise en bouteille.
Ce qui donne la migraine :
Il n' y a pas que le soufre qui donne la migraine, c'est le mélange des produits chimiques dans le raisin, l'ajout de sucre (chaptalisation) et l'adjonction de soufre. Cela m'attaque les narines, l'arrière du crâne et l'estomac.
Le vin sans soufre n'existe pas :
L'appellation exacte serait sans ajout de soufre. En effet les levures indigènes produisent leur soufre. En France une bonne vingtaine de vignerons proposent des vins sans sulfites ajoutés.
Le goût du vin très soufré :
Le nez donne des arômes d'allumettes brûlées.
La finale est métallique et totalement bloquée.
le trait d'un vin sans ajout de soufre :
Le nez donne des notes d'écurie
On peut trouver des notes d'acidité volatile
Un bon vin sans ajout de soufre : les deux premiers arômes cités sont présents mais pas dominants, le fruit est pur et le nez très complexe
La maturité phénolique donne une attaque onctueuse
Le milieu peut gazer, il suffit de carafer
Les tanins en rouges sont fins grâce à une bonne maturité phénolique
La rétro olfaction est très complexe et minérale
La macération carbonique et le sans soufre :
« ..La cuve est préalablement saturée en gaz carbonique, les raisins sont encuvés sains et entiers...Le soufre n'a plus de raison d'être puisque la vendange est sous la protection du gaz carbonique....Sulfiter implique un remuage du jus et des raisins peu compatible avec le principe de macération de raisins intacts. » tiré du livre le vin au naturel de François Morel.
Après plusieurs dégustations à l'aveugle, je me suis rendu compte que j'ai une préférence pour les beaujolais vinifiés à la bourguignonne et non en carbonique. Je retrouve plus de minéralité et de complexité dans les premiers.
La macération carbonique donne des vins glouglou terme propre à Monsieur François Morel et typique des vins de comptoirs. Mais surtout je ne les critique pas et si j'étais vigneron ma première cuvée serait une macération carbonique facile à boire et à vendre rapidement.
Le service d'un vin sans ajout de soufre :
Au restaurant La Méditerranée, nous proposons le domaine de Rapatel Blanc au verre. De fin juin à début septembre, il pétillait : je ne sais pas pourquoi. Il sentait la bière. Il nous a suffit de ne pas les vendre et d'attendre. Depuis, il s'accorde très bien avec la bouillabaisse.
Pour servir ce type de nectar, l'homme et le vin ne doivent faire qu'un. Notre philosophie doit être la compréhension et la tolérance. Envoyer au diable tout le monde, pestiférer comme une teigne après une mauvaise journée de travail sont vos droits, en effet vous n'êtes pas des robots mais des êtres humains. Le vin sans ajout de soufre vous ressemble, il vit, il respire sans conservateurs.
Nez d'écurie un jour, effervescent inconditionnel un autre printemps, acidité volatile et arômes oxydatifs mimant les cheveux blancs ou les rides, en tant que dégustateur professionnel vous devez envisager tout cela et surtout savoir si votre potentiel client peut l'admettre. Le nerf de la guerre est de vendre et surtout que vos clients conçoivent vos idées. C'est pourquoi mon ouverture d'esprit m'incite à avoir les deux styles de viticultures sur la carte des vins. Mais revenons à nous moutons, soyez tranquille comme Baptiste lorsque vous dégustez le vin sans ajout de soufre car il doit être en phase avec lui-même. Il suffit de le carafer et d'être patient.
Ensuite paradoxalement, ce type de vin aime l'air et l'oxygène.
Mais surtout ne jamais s'obstiner lorsque le convive est à l'opposé de votre avis, il vous parlera du pays, ou vous chantera pouilles. A la bonne heure, toujours révélez en dernier que c'est un sans ajout de soufre commencez par lui dire simplement « il a du caractère et je suis sûr que vous n'avez jamais dégusté ceci. »
Mes expériences vécues :
Pour les dubitatifs des vins sans soufre :
Une bouteille de macon des vignes du Mayne : elle tombait, puis elle s'est reprise au bout de 15 minutes.
Un magnum de Cousin (Anjou), c'était imbuvable pendant 2 jours, ensuite fantastique pendant une semaine.
En 2003, une bouteille de racine 2000 de Claude Courtois. Elle était bouchonnée....Malheur. Je l'ai laissé ouverte 1 mois sans bouchon, j'allais la mettre dans un civet et puis je déguste. Elle pétillait, elle reprenait vigueur. 1 mois plus tard, je la dégustais.
Je peux vous citer d'autres exemples qui sortiraient de la conjoncture ordinaire de l'œnologie moderne. La raison est très simple : le vin se défend lui même, il est libre.
Y-a-il des mauvais vins sans ajout de soufre ?
Il y a des mauvais sommeliers, des mauvais médecins, des mauvais dentistes, des mauvais commerçants, il y a aussi des mauvais vins naturels....certainement le résultat d'une inexpérience. J'ai confiance en ces vignerons qui évoluent d'année en année. Ne dit-on pas : la sagesse est le fruit de l'expérience, l'expérience celui des bêtises.
Vous dégustez plusieurs cuvées chez un vigneron sans ajout de soufre et vous vous apercevez que :
Les vins blancs sont similaires aux arômes oxydatifs très prononcés : le vigneron a loupé ses vinifications, les vins sont oxydés.
Les vins rouges sont similaires sans complexité et minéralité : il se peut que les vins proviennent d'une macération mal négociée.
Faut-il être intolérant à la couleur ?
Non, les plus grands vins blancs dégustés viraient à l'orangé voire au marron.
Y-a-t-il une différence entre oxydation et oxydatif ?
Oui
L'oxydation est la mort du vin, les arômes sont les mêmes, un peu comme un vin de voile avec beaucoup de champignon et xéres.
L'oxydatif ressemble à vos cheveux blancs ou vos rides. C'est une évolution, les arômes sont complexes : minéralité, pomme, xéres, sous-bois, fruits, eau de vie de vin. Il faut simplement les accepter comme tels.
Conclusion :
L'avenir de nos vins en France passe par la reconnaissance des deux styles de viticulture, mais aussi de la marque de terroir dans un vin. Nos institutions viticoles, nos dégustateurs professionnels et journalistes doivent admettre ces points importants souvent omis.
Les vins sans ajout de soufre dits naturels sont la spécialisation de notre viticulture. Ils peuvent permettre de se démarquer de la scène mondiale. Pourquoi ne pas créer dans les écoles de viticulture des sessions sur ce type de vins ?
Je crois aux vins issus de l'agriculture biologique mais vinifiés naturellement. Le soufre peut être ajouté à la mise en bouteille. Il ne faut pas chercher systématiquement des risques irréparables pour l'entreprise. En effet, un vigneron sans ajout de soufre ressemble à un funambule ou un artiste.
Combien de vignerons en France sont capables d'élaborer ce genre de vins ?
Est-ce que le public est réceptif ?
L'avenir nous le dira.
Jean-Charles Botte janvier 2010